HISTOIRE DE LA VILLE DE FEURS
Publié par Galland
le 23/08/2022
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Ville de Feurs
A quelques kilomètres à l’ouest de Lyon et au nord de Saint-Étienne, se trouve une petite ville appelée Feurs : traversée par deux routes royales, touchant à un chemin de fer et au premier fleuve de France, elle reste stationnaire au milieu de ce luxe de voies de communication. C’est que dans le même pays se sont formés deux autres centres d’attraction, qui peu à peu lui ont enlevé sa première importance, Montbrison et Saint-Étienne. Feurs est le Forum Segusianorum des anciens, c’est-à-dire, la ville qui, avant la fondation de Lyon, fut la capitale des Ségusiens. Pendant longtemps elle occupa le premier rang parmi les cités de la province, et pourtant on ne connaît guère que le nom qu’elle portait à cette époque reculée.
Quoique son antiquité soit un fait incontestablement prouvé par les riches débris qu’on y découvre journellement, on ne sait rien sur son existence primitive. Cela tient sans doute à ce que l’époque de sa plus grande fortune date des premiers temps de la conquête, et que les Romains la dépouillèrent presque aussitôt de sa suprématie pour en doter Lyon, leur heureuse colonie. Toutefois, en considérant la position topographique de Feurs, on peut se faire une idée du rôle qu’a joué cette ville à une époque où le commerce consistait presque uniquement dans la vente ou l’échange des productions du sol. En effet, elle est située dans une vaste plaine, près de la Loire, le fleuve gaulois par excellence, et au centre d’une contrée fertile qui tirait, dit-on, son ancien nom du mot seges (moisson).
On attribue généralement la déchéance de Feurs à un incendie dont les circonstances sont ignorées, mais qui est prouvé par la découverte de plusieurs belles mosaïques ensevelies sous des débris de charbons et de tuiles antiques ; mais peut-être la cause réelle et première de cette déchéance, est-elle la proximité de la nouvelle colonie de Lugdunum. Quoi qu’il en soit, Lyon, la Rome gauloise, comblée de grâces par ses fondateurs, eut bientôt fait oublier sa mère, le vieux Forum, dont l’ancienne importance ne se reconnaît plus qu’à ses aqueducs et a ses ruines souterraines. Parmi les nombreuses inscriptions qu’on a trouvées dans cette ville, il en est plusieurs cependant qui prouvent que sa ruine ne fut pas instantanée, et qu’elle conserva, pendant quelque temps, un certain rang parmi les vieilles cités de la Gaule. Lorsque la Ségusie quitta son nom gaulois pour prendre celui de Lyonnais (pagus Lugdunensis), imposé par les Romains, et fut divisée en plusieurs cantons ou agri, qui empruntèrent leurs diverses dénominations aux localités ou aux rivières les plus importantes de la nouvelle circonscription administrative, Feurs devint la capitale d’un petit territoire qui, du nom de Forum, fut appelé Ager forensis, en français Forez ou Forais, suivant l’orthographe moderne.
Au Xe siècle, Feurs se vit tout à coup appelée à jouer un rôle qui lui aurait peut-être redonné une brillante existence, si sa situation eût été plus favorable au développement de la puissance féodale de ses seigneurs. Lorsque le comte de Lyon, supplanté par l’archevêque de cette ville, fut contraint de lui en faire l’abandon, il s’intitula comte de Forez (comes Forensis), par un retour vers le passé, et par allusion à l’ancienne capitale du Lyonnais qui se trouvait dans son fief, et qu’il opposait ainsi à la ville romaine. Le Forez se composa dès lors de trois cantons ou agri principaux, le Roannais, le Jarez et le Forez proprement dit, et devint une province indépendante (pagus, patria forensis). Mais cette révolution, en apparence si avantageuse pour la ville de Feurs, acheva pourtant de la ruiner. Sa position, qui lui avait valu précédemment le titre de marché des Ségusiens, la fit négliger des nouveaux maîtres de la contrée ; ils transportèrent leur séjour dans les châteaux voisins, et particulièrement dans celui de Montbrison. Aussi, à partir de ce moment, Feurs, réduite par le fait à l’état de simple châtellenie, ne fut plus que le théâtre de quelques événements isolés et sans caractère général. On en pourra juger par le rapide résumé que nous allons donner des principaux faits de son histoire.
En 1284, Jeanne de Montfort l’Amaury, veuve du comte Guy VI, fonda à Feurs une commanderie de Saint-Antoine, sorte d’hôpital destiné à recevoir les malheureux atteints d’une espèce d’érésipèle fort commune alors dans cette ville, qui brûlait et desséchait la partie du corps attaquée, et qu’on appelait le feu Saint-Antoine. Nous savons, sans pouvoir préciser l’année, que Feurs fut presque réduite en cendres par les Anglais à l’époque où ils disputaient la France aux Valois. Le duc Louis de Bourbon, comte de Forez, la fit clore de murs à la fin du XIVe siècle. Dans le XVe, ses habitants furent témoins d’un événement assez remarquable : le roi Charles VII vint au milieu d’eux avec toute la cour pour célébrer les noces de son fils le dauphin, depuis Louis XI, avec une princesse de Savoie (1452). Du reste, pendant ce même siècle, les trois états de la province se tinrent plusieurs fois à Feurs. Elle avait elle-même droit de députer à ces assemblées comme l’une des principales villes du Forez. Nous la voyons, en effet, figurer en troisième ligne, après Montbrison et Saint-Étienne, sur un rôle d’imposition de l’année 1572.
Il est inutile de dire que la capitale du Forez prit part aux guerres de la religion. Dès l’année 1562, elle fut visitée par l’armée du fameux baron des Adrets ; en 1570, les troupes de l’amiral Coligny s’en emparèrent et y commirent d’affreux ravages. A cette époque de troubles, elle était placée sous l’autorité administrative d’un fonctionnaire spécial qui recevait le nom de procureur du quartier d’outre-Loire, et suppléait le bailli du Forez, siégeant à Montbrison. Feurs, comme tout le reste de la province, embrassa le parti de la Ligue, mais avec quelques ménagements, dus en partie à l’influence de la famille du Rosier. Prise au mois de février 1594, sur les partisans du duc de Nemours, par le sieur Chalmazal de la Pie, qui la tenait assiégée depuis quelque temps, elle rentra enfin sous l’autorité du roi.
Pas un souvenir ne nous est resté de l’histoire de Feurs au XVIIe siècle. Dans le XVIIIe siècle elle fut forcée par la troupe de Mandrin, qui exerçait ses rapines sur toute la province. Sous la Révolution, et après que les troupes républicaines eussent soumis Lyon, les commissaires de la convention ordonnèrent provisoirement la division du département de Rhône-et-Loire en deux départements distincts, la nouvelle division administrative étant confirmée par le décret du 29 brumaire an II (17 novembre 1793 ), qui érigea Feurs en chef-lieu du nouveau département de la Loire. L’administration départementale fut donc installée dans le couvent des Minimes, seul établissement de ce genre qui existât dans la petite ville.
On fit venir aussi à Feurs une imprimerie de Montbrison ; enfin on y établit un tribunal révolutionnaire dans la chapelle des Pénitents. Ce tribunal, dirigé par Javogue, ci-devant avocat à Montbrison, et représentant du peuple en mission dans ces contrées, envoya un grand nombre de victimes à la mort ; la plupart étaient des Montbrisonnais qui avaient pris part à la révolte de Lyon, et sur lesquels, dit-on, le conventionnel vengea les haines de l’avocat. Comme la hache de la guillotine n’était plus assez expéditive, il eut recours aux fusillades ; c’est ainsi que périrent vingt-huit personnes à la fois, le 20 pluviôse an II (8 février 1794). Mais l’arrestation de Javogue mit fin aux supplices. Décrété d’accusation par la convention, deux commissaires de cette assemblée vinrent l’arrêter à Feurs pour le conduire à Paris, où il fut plus tard condamné à mort.
Le retour à l’ordre fit bientôt sentir combien le rôle de chef-lieu de département convenait peu à la ville qu’on avait dotée d’un si grand avantage. Sans parler de l’exiguïté de sa population agglomérée, qui ne s’élèvait pas à 3000 âmes, on n’y trouvait aucun édifice propre à recevoir les diverses administrations départementales. Le moment de la colère étant passé, on songea à rendre à Montbrison son ancien rang : par le décret du 6 fructidor an III (23 août 1795), on y transféra définitivement le chef-lieu de la Loire.
L’histoire de Feurs au XIXe siècle se réduit à fort peu de chose. En 1826, on y construisit un monument funèbre à la mémoire des citoyens condamnés par le tribunal révolutionnaire ; ce monument dont les dépenses furent couvertes par une souscription commencée en 1822, par les soins de M. d’Assier aîné, alors maire de la ville, est bâti à l’endroit même où eurent lieu les dernières exécutions, et représente un temple antique, de forme quadrangulaire.
Peu avant 1840, un monument ne rappelant que des souvenirs de gloire fut élevé sur la place de l’église, la statue du colonel Combes, fondue sur les dessins de son compatriote Foyatier, l’auteur du Spartacus, et donnée par le gouvernement à la ville natale de l’héroïque commandant du 66e, où elle fut inaugurée le 16 octobre 1839, deux ans après sa mort glorieuse sous les murs de Constantine. Ajoutons que Feurs donna le jour à Claude Duguet, jurisconsulte distingué, et père du célèbre oratorien de ce nom, et à Joseph-Guichard Duverney. Ce dernier acquit une grande renommée, à la lin du XVIIe siècle, comme professeur d’anatomie ; les courtisans et les gens du monde venaient en foule à ses leçons, les uns par goût, les autres par curiosité ; plusieurs portaient même dans leur poche des pièces anatomiques préparées par lui, et se faisaient un plaisir de les montrer dans les salons. « Les plus célèbres comédiens », dit Fontenelle, « venaient apprendre à l’école de cet illustre professeur l’art de parler en public ».
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